Prologue
Une musique rock tournait à plein volume dans la voiture. Mais le conducteur ne le remarquait pas. Il était trop concentré sur la route, sur la grande blonde qui était assise à côté de lui et qui pleurait. Il se maudissait d'avoir été aussi stupide, d'avoir cru que peut-être elle voudrait de lui. Aucune fille vivante ou saine d'esprit ne voulait de lui, alors pourquoi ç'aurait été différent cette fois? Les mains crispés sur le volant, il manoeuvrait pour rentrer chez lui.
Mais plus il y repensait, moins il trouvait que c'était chez lui. Après tout, il n'était pas né dans cette famille, et en plus, aujourd'hui, il venait de détruire l'un de ses membres; chose qu'il ne se pardonnerait jamais.
Non. Décidé, il ne remettrait plus les pieds dans cette maison. Il la laisserait devant le terrain, puis il partirait, pour ne plus jamais revenir, ni regarder derrière. Il en avait vécu des bons moments là-bas. Mais maintenant, c'était terminé, il devait tout oublier et se rebâtir ailleurs. Il ne pourrait jamais supporter de regarder aucun membre de cette famille dans les yeux.
Moman. Elle était tellement pleine de joie de vivre. Toujours à regarder sa fille chérie avec les yeux d'une louve, prête à tuer quiconque malmenait son petit trésor. Il s'était demandé longtemps si elle avait sa place chez les Firefly. Il ne l'avait jamais vu tuer personne, et ce pendant longtemps. Jusqu'au jour où elle fit éclater la cervelle du Wydell. Peut-être qu'elle n'était pas une maniaque, mais c'était une femme totalement délurée, qui trompait ouvertement son mari, cet imbécile de clown triste.
Cutter. "Viens chez moi." Avait-il dit. "Je suis sûr que tu t'entendras bien avec tout le monde. Tu seras le bienvenu." Il ne pouvait certainement pas savoir, dans ce temps-là, que son invité causerait autant de mal autour de lui. Il l'avait suivi sans rechigner, et avait fait la connaissance de tout le monde. Il avait surnommé la famille, la famille Firefly. Faisant entrer un nom dans la légende. Il s'était tout de suite plus dans cette famille de déjantés. Bien vite par contre, il s'était mit à détester le clown. Le détester parce qu'il l'admirait. La manière dont il menait cette famille et que tout le monde l'écoutait; le patriarche. Il l'enviait, ça c'était vrai, et il se l'avouait seulement maintenant qu'il devait partir. Ils s'étaient voués une longue rivalité pour le rôle de chef de famille. Il avait toujours admiré le fait qu'il ait épousé une femme qui avait déjà des enfants. Le Capitaine avait toujours été un homme brave, n'ayant pas peur des défis.
Tiny avait été tout un sacré défi. Brûlé par son vrai père parce qu'il ne supportait pas sa malformation. Il était devenu sourd et muet. Cela n'empêchait pas qu'il était très apprécié dans la famille. Tiny avait beau être mongole et complètement à l'ouest, il restait qu'ensemble, ils avaient toujours eu cette complicité particulière. Tiny ne souriait pas, ses yeux brillaient. Et ce regard brillant, il y avait eu droit souvent. Ils n'avaient qu'à se regarder et ils comprenaient. Il appréciait ces grands moments de silence partagé, où il n'avait pas à s'emmerder à écouter, ni à raconter. Le silence... Chose impossible à partager avec la petite soeur.
Baby. Elle avait sept ans quand il était entré dans la famille. Et déjà, elle avait une personnalité tempêteuse, revêche et maniaque. Et elle était belle. Il se souvenait que c'était sa vision qui l'avait convaincu d'entrer dans la famille. Cette petite soeur bruyante, agaçante, mais tellement de bonne compagnie. Ils avaient partagé ensemble bon nombre de meurtres. Il l'avait souvent vue s'amuser avec d'autres hommes. Il avait aussi toujours été derrière elle pour tuer le sale type qui serait trop dur avec elle. Elle était toujours prête à rire, toujours de bonne humeur, même dans les pires situations.
Et il l'avait fait pleurer. Il ne se le pardonnerait jamais. Jamais. Ce sourire si charmeur, si candide et malsain en même temps, jamais plus il ne le reverrait. Le dernier souvenir qu'il garderait d'elle, ce serait son visage baigné de larmes, ses sanglots étouffés. Mais il devait bien s'avouer qu'il l'avait méritée cette vision des plus déprimantes.
-
Baby... -
Ta gueule! Il obéit. Il n'aurait pas su quoi lui dire de toutes façons. Il lui avait carrément manqué de respect. Il ne savait même pas demander pardon. Ils retombèrent dans le silence seulement meublé de musique.
Il gara finalement la voiture devant la ferme des Firefly. La maison était vide à cette heure-là. Le capitaine travaillait, Moman devait être en train de s'envoyer en l'air quelque part en ville et Tiny... Ben il ne revenait qù'à l'heure des repas. Personne ne savait exactement ce qu'il faisait mais bon. Ça lui prenait toutes ses journées.
Il débarqua de la voiture. Baby fit de même de son côté. Mais contrairement à elle, il ne marcha pas en direction de la maison. Il resta adossé à la voiture en la regardant marcher. La jeune femme se retourna vers lui, lui envoyant la vision détestable de son visage crispé par la colère. Il ressentit un fort pincement au coeur et regarda ailleurs.
- Otis! cria-t-elle en marchant à nouveau vers la voiture.
Bouge ton cul merde. Mais l'albinos ne bougea pas d'un pouce. La jeune fille revint vers lui et lui flanqua une giffle magistrale, qu'il encaissa sans dire un mot.
- Me dis pas que tu comptes t'enfuir! - ... - J'y crois pas... NON! Tu peux pas partir. Papa va te tuer. Il doit te faire la peau, pour moi, parce que je le veux! Otis secoua la tête et lui tourna le dos, ouvrant sa portière. Il s'assit sur son siège et mit la clé dans le contact. Il voulut referme la porte, mais les doigts de Baby la retinrent. Le géant blanc soupira et se résolut à la regarder dans les yeux.
- T'As pas le droit de t'en aller. Je veux que tu souffres comprends-tu? Je veux que tu ressentes ce que j'ai ressenti. Elle ne pouvait pas le comprendre, mais il souffrait autant qu'elle, peut-être même plus. Mais ça elle ne s'en apercevrait que trop tard, après qu'il soit partit.
Voyant bien qu'elle ne le laisserait pas partir en paix, il remit le pied à terre. Automatiquement, elle recula. Désolé de savoir qu'elle avait peur de lui à ce point, il baissa la tête.
- Désolé, murmura-t-il.
- C'est tout ce que tu trouves à dire crétin? Pendant qu'elle s'emportait à nouveau et qu'elle ne portait plus attention à lui, il lui assena un coup violent derrière la nuque, juste assez fort pour qu'elle soit sonnée. Elle s'écroula par terre et Otis lui tourna le dos pour entrer dans la voiture et redémarrer.
Il s'éloignait à grande vitesse. Au bout de la rue, il regarda dans le rétroviseur. La forme allongée de Baby le frappa de plein fouet. Il méritait que ce soit cette vision qui hante ses pensées, pour toute sa vie.